Adieu la pluie

Sombre nuit.
Sombre envolée de fumée.
Sombres regards nocturnes.
Les yeux fermés. L'esprit encore ouvert.
La pluie tapote la vitre doucement.
La guitare, au fond, prend la poussière.
Elle sonne encore dans ma tête des mélodies nostalgiques.
Des photos  en désordre dans un classeur ouvert sur le bureau.
Les photos sont belles dans mon esprit. Les personnages sont tous souriants.
Un poster usé recouvre le mur à côté de moi. 
Il ne fait que pleuvoir ce soir, dans ma chambre à des centaines de mètres au-dessus du monde qui grouille, qui grouille...
Mais rien ne va s'effondrer ce soir.
Il y a ma plante qui regarde le ciel noir.
Elle me rappelle des aventures le long d'un cours d'eau nocturne.
Elle me rappelle des souvenirs desséchés.
Il n'y aura pas d'événements ce soir, il n'y aura que moi dans cette chambre. Moi et la pluie.
Mon corps se détend et mes paupières deviennent lourdes.
Je plonge encore plus sensiblement dans mes rêveries.
Je regarde un soleil d'un œil jeune et naïf.
Je regarde ce soleil pour le zèle.
Mais plus tard, je regarde mon passé enfermé et il pleut dans cette petite chambre au repos.
Tout dort chez moi, je suis le seul qui surveille encore. 
Je surveille le silence de mon étagère remplis de pots de sables.
Je surveille le silence des lettres lues et relues, bien rangées en dessous de mon lit.
Je surveille le silence de ma radio, qui autrefois accompagnait la joie des retrouvailles.
Mais ce soir, pas de rencontre. Pas de message ni de musique. Seulement le bruit de la pluie contre la vitre, reposante.
Ce soir, pas de mouvement, pas de paroles, pas de vie.
Je respire l'air empreint d'anciens passages, l'aire d'un autre temps, un aire musicale aux saveurs remémorées.
Peu à peu, tout ce qui m'entoure se permet de ne plus nécessairement devoir exister.
Il est possible que la guitare décide de cesser d'être, je ne saurais le constater ni y apporter une quelconque importance.
Alors je laisse les choses autour de moi s'en aller. Graduellement disparaître de la réalité. Je leur offre ce luxe bien mérité.
La pluie cesse peu à peu.
Le vent aussi.
Il n'y a plus que moi.
Ou peut-être puis-je me laisser permettre de partir aussi.
Je fais mes adieux, juste pour ce soir, de moi et de tout ce qui va avec.
Adieu présent tangible.
Adieu les autres.
Adieu les lettres dans ma tête.